- IMITATION (poétique)
- IMITATION (poétique)IMITATION, poétiquePour tout art, mais particulièrement pour la littérature, la question de l’imitation se pose depuis l’Antiquité avec d’autant plus d’urgence que la réponse apportée constitue la clef de chacune des théories esthétiques bâties à partir d’une autre interrogation fondamentale, celle qui touche à l’utilité de l’art. En revanche, la problématique du beau peut ne pas déboucher sur celle de la mimèsis ; celui qui la pose peut du moins éviter de répondre catégoriquement oui ou non pour ce qui concerne la «reproduction de la nature»: partant de l’idée du beau, Hegel arrive ainsi à celle de la spiritualité dans l’art tout en évitant le dogmatisme de Platon et d’Aristote. Selon le livre X de la République , le poète ne peut représenter que le reflet de ce qu’observe l’homme de l’allégorie de la caverne. Il nous éloigne ainsi de trois degrés de la vérité et ne devrait pas être admis dans la République, même s’il est Homère en personne. Pour Aristote, le poète crée en imitant la nature: pour notre plaisir dû à la reconnaissance du modèle, ou pour nous faire connaître ce dont nous ignorons l’original. Dans la Poétique , Aristote en vient à établir une échelle de valeurs régissant les différents genres littéraires: plus l’œuvre donne l’illusion du réel, moins il y a de barrières artistiques (telle la narration homérique en face du discours direct prononcé par les protagonistes eux-mêmes), et plus notre plaisir esthétique est grand. Sur cette échelle, la tragédie où les actions sont immédiatement reconnaissables est placée plus haut que l’épopée.Néanmoins, le merveilleux et le vraisemblable chez Aristote, le beau et la justesse du mot chez Platon (le Banquet , Cratyle ) sont des catégories esthétiques qui contrebalancent le poids de la mimèsis . Même si elles ne parviennent pas toujours à soulager la conscience de l’auteur qui sent l’obligation de justifier la vérité de son œuvre. S’il s’agit de l’œuvre de fiction, l’écrivain hésitera longtemps avant de s’en remettre à la seule inspiration: bien que l’inventio ait un certain rôle pour les poètes latins, ils s’empressent de se situer par rapport aux poètes grecs avec lesquels ils entretiennent des relations d’aemulatio et d’imitatio .Le baroque réussit enfin à concilier les deux pôles: c’est l’ingéniosité même qu’il faut imiter. Tel est le but du moins que les adeptes du cultisme, du conceptisme, du gongorisme, du marinisme ou de l’euphuisme recherchent dans l’originalité, le raffinement, la surprise et une certaine préciosité. Le modèle n’est évidemment plus la nature, mais la «manière» des auteurs tels que Góngora, Marino, Ledesma (pour le conceptisme que Gracián distingue du cultisme de Góngora) et John Lyly (Euphues est le titre de son roman).La représentation de la vie vécue et celle des phénomènes de société en taille réelle sont l’objet de la théorie esthétique du naturalisme. Dans un chapitre de Problèmes du réalisme , Lukács compare la description d’une course de chevaux chez Zola et chez Tolstoï, et rejoint finalement Aristote en préconisant, à la place d’une juxtaposition d’une série de «tableaux» descriptifs, le récit où l’action est «hautement dramatique» et non «contingente». L’esthétique naturaliste et ses avatars romanesques allaient être par la suite combattus par les écrivains du Nouveau Roman. Si la description joue encore chez eux un rôle capital, elle apporte moins la caution du réel qu’elle ne donne libre cours, dans son mouvement virtuellement infini, aux pouvoirs de l’hallucination (Robbe-Grillet) ou à ceux de la langue (C. Simon).
Encyclopédie Universelle. 2012.